La réforme de la garde à vue !

Les conséquences inattendues de la réforme de l’audition libre.

Le régime de l’audition libre d’une personne par les services de police, qui concerne en pratique les infractions les moins graves (conduite sans permis, etc.) mais également la majorité des infractions pénales en relation avec la vie de l’entreprise (droit pénal du travail, de l’environnement, de la consommation, de l’urbanisme, etc.), vient d’être profondément modifié1.

Si la nouvelle législation a pour objectif de garantir à celui qui sera entendu en audition libre un certain nombre de droits, il apparaît toutefois en pratique que ce nouveau régime, antichambre de la garde à vue, a également des conséquences inattendues et préjudiciables.

C’est ainsi qu’au lendemain de la mise en œuvre de cette réforme, début juin 2014, un chef d’entreprise convoqué pour répondre d’un délit d’entrave aux fonctions du CHSCT a dû se soumettre à la prise de ses empreintes et de photographies anthropométriques, alors qu’il pensait que son audition libre était terminée.

Ce chef d’entreprise pouvait-il être assisté par un avocat ? Pouvait-il refuser cette prise d’empreintes/de photographies ? Que vont devenir ces informations et y a-t-il un moyen de les faire supprimer du fichier qui les abrite ?
Quelles sont les nouveautés apportées par la loi du 27 mai 2014 ?

Jusqu’au 2 juin 2014, date de l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, le code de procédure pénale (CPP) prévoyait que devaient être entendues en audition libre, hors garde à vue et au maximum pendant 4 heures, les personnes à l’encontre desquelles il n’existait aucune raison de soupçonner qu’elles aient commis une infraction, sans quoi elles devaient obligatoirement être placées en garde à vue.

C’est ce régime de l’audition libre qui était le plus souvent utilisé (de façon détournée) s’agissant des responsables d’infractions de conduite sans permis mais aussià la législation sur la santé et la sécurité dans les entreprises.

Il n’était alors pas possible dans ce cadre de procéder à des relevés signalétiques (par exemple, la prise d’empreintes digitales) sur les personnes ainsi entendues.

Le 2 juin 2014 est entrée en vigueur une nouvelle disposition de procédure pénale2 prévoyant qu’une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction peut être entendue néanmoins librement, sans être placée en garde à vue.

Il est prévu qu’avant d’être entendue librement sur la commission des faits dont elle est soupçonnée, la personne doit être informée :

– de la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou d’avoir tenté de commettre ;
– du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue;
– le cas échéant, du droit d’être assistée par un interprète ;
– du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ;
– de la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit.
En pratique, on imagine mal la personne convoquée quitter les locaux des services de police pour aller solliciter des conseils juridiques.

En revanche, le droit à un avocat pendant cette audition libre3 prévu par ce nouveau texte n’entrera en vigueur que le 1er janvier 2015.

À noter également qu’à compter du 1er janvier 2015, toute convocation en vue d’une audition libre devra mentionner, notamment, l’infraction dont la personne est soupçonnée et son droit d’être assistée d’un avocat.

Cette information est un progrès significatif par rapport à la situation actuelle dans laquelle, trop souvent, le justiciable ignore, jusqu’à son audition, les raisons pour lesquelles il est convoqué.

Connaître le motif précis de la convocation permettra notamment de s’y préparer utilement car si la présence de l’avocat pendant l’audition est certes toujours utile, notamment pour contrôler les conditions du déroulement de la mesure d’audition et le respect effectif des droits, cette nouvelle disposition permettra également un véritable travail sur le fond du dossier, en amont de l’audition.

La loi a ainsi renforcé les droits des personnes entendues en audition libre en raison du fait qu’elle est dorénavant susceptible de concerner des personnes soupçonnées.

Toutefois, la pratique révèle également des conséquences inattendues, qui sont attentatoires aux droits des personnes ainsi entendues.

Source : Sophie Liotard et Sébastien Schapira http://www.dalloz-actualite.fr/